Oléandre

 

 

Crépuscule

 

Une aube

Lucide

La nuit

Vacille

 

Ici, c'est un opéra

Théâtre de lumières

De lueurs derrière moi

La scène est passagère

L'Acte ne finit pas

 

Rideau. Oh Nuit !

Accueille en toi

Un acteur lassé, dans tes bras

Et lassés de ceux-là

Qu'elle est loin, l'aube !

 

 

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Douleur

 

Le Soleil, vers lequel on tend la main sans pouvoir l'atteindre

L'Obscurité, qu'on aimerait étreindre et qu'on ne peut que frôler

 

 

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Philosophie du dimanche 1

 

La plus grande chose qu’ait jamais eue l’Homme, c’est la capacité à parer le réel des couleurs de l’imaginaire.

 

 

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Philosophie du dimanche 2

 

Le plus beau, dans une histoire, c’est encore ce qui n’a pas été dit.

 

 

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Philosophie du dimanche 3

 

L’inachevé et l’incomplet peuvent être frustrants, mais ce sont des forces d’imagination.

 

 

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Philosophie du dimanche 4

 

La seule hypocrisie, c’est de croire être désintéressé.

 

 

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L'Angle

 

                 Bel endroit. Vraiment.

 

            Quelques arbres. Un terrain de pierres et de roches, assez plat, une légère couche de brume. Je déambule sans vraiment y faire attention. C'est beau. Je suis absorbé par l'endroit. Tiens, les arbres sont des sapins. Les épines sont vertes foncées. Il y a l'air d'en avoir un peu plus, là-bas.

            Je crois que je vais y aller.

 

J'ai marché par ici. Ah, j'aurais pensé qu'il y avait plus d'arbres. Bel endroit, vraiment. Il y a plus de roches, plus de relief, par contre. Et plus de brume, vers le massif d'arbres, là-bas. Ca à l'air beau. Si j'y allais ?

            J'y vais sans y prêter vraiment attention.

 

            C'est bien un massif. Il y a plus de brume que ce que je pensais. C'est beau. Il fait froid. Le soleil ne rentre plus, ici. Il y en avait, tout à l'heure ? Je crois. Là où il n'y avait pas de brume. Mais il y a toujours eu de la brume... un mur de brume, puis après de la brume encore, au sol. C'était beau. Mais alors, avant le mur, il y avait du soleil ? C'est possible, je ne me souviens plus très bien... je me promenais, c'est tout.

 

            Les épines sont vraiment foncées, ici. Il y a de la lumière, là-bas, à la sortie du massif. J'ai froid.

            Si j'y allais ? Ça me réchaufferait.

 

            Il n'y avait pas de lumière. C'est une forêt. Je ne vois pas la sortie derrière moi... c'était un massif, pourtant. Ou je me trompe. Pas de massif, pas de paysages rocheux. Je marche depuis toujours dans cette forêt. J'ai toujours eu froid. Le soleil n'a jamais existé. La brume a toujours été aussi haute, dense et blanche.

            Si blanche.

 

            Le monde est blanc. Ou est-ce la brume? Qui suis-je? Je ne me rappelle plus. Il y avait de la brume ? J'ai l'impression de continuer d'avancer, pourtant... je perds le fil. Où en étais-je? Je me délite. Mais... le monde existe ?

            J'existe ?

 

            J'existe, j'ai froid. Ça disparaît. Je n'ai plus froid.

 

            Le monde est blanc. Je le vois... Ça disparaît. Il n'y a pas de monde. Je suis seul à penser... je n'ai plus la sensation de marcher. D'avancer...

 

            Je perds le fil. C'est quoi, je ? Ça disparaît. Je...

 

 

Un cygne, dans la brume: « Il a été absorbé dans l'Angle... »

 

 

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Marche Nocturne

 

Prologue:

Pas à pas

Il marche au cœur de la nuit

Lueurs blafardes et lampadaires

Litanie des carrosses modernes

Sur le bitume, là

 

Couplets:

La vie somnole ici,

Sauf dans les cafés, cœurs éveillés,

Un air traîne dans l'air de la nuit,

Un air de vie, un air jazzy,

 

Des hommes, des femmes sont par-là,

Les rues frissonnent de rires et de joie,

Et dans le calme de la ville endormie,

Restent des foyers où on boit entre amis.

 

Refrain:

La brise nocturne caresse son visage

Englobe ses mains, donne vie à ses pensées

Le monde dort, il rêve éveillé

Et lui sourit la lune encore sage

 

Couplets:

Et dans les vieilles rues l'angoisse parvient,

Retour des cauchemars, des morceaux d'ombre craints,

Il faut revenir, quitter le royaume des peurs,

Aller dans la douce quiétude des lueurs.

 

Il est le réceptacle d'une sourde terreur,

La victime d'une insidieuse torpeur,

La nuit est aussi scène d'horreur,

Et le fantôme de tous nos malheurs

 

Refrain:

La brise nocturne caresse son visage

Englobe ses mains, donne vie à ses pensées

Le monde dort, il rêve éveillé

Et lui sourit la lune encore sage

 

Couplets:

Silence et sérénité sont ses seuls compagnons,

Ils rêvent ensemble, chantent au diapason,

C'est un concours de lenteur et d'harmonie,

Il est dans un univers connu seulement de lui

 

Une marche au cours de la nuit

Une ballade de toutes les envies

Ici toute réalité s'enfuit

Et la beauté des songes luit

 

Epilogue:

Pas à pas,

Il marche au cœur de la vie,

Lueurs timides et étoiles passagères,

Litanie du vent dans les rues ternes,

Sur le bitume, là.

 

 

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Débat inutile

 

Discussion entre Eden Pourprevoix, Allen Hightwind, Oléandre et Vys Inox :

 

J’affirme.

J’atteste !

Je confirme…

 

…………….. JE CONTESTE !

 

 

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Pour Raphaëlle

 

Quel raffut en farandoles en mon for ! A ta vue mon cœur s’érafle et ne se rafistole qu’à renfort de raphia. Mais j’en raffole, et cette rafle raffinée ne s’arrêtera pas mais au contraire, c’est fort !, se raffermira. Mon rafiot coule, le vent se fait rafale, mon âme en farine paraphrase mon esprit de paraffine, mais sache qu’à jamais, Raphaëlle, tu resteras mon phare et ma faribole.

 

 

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Roses Carmin

 

Mes bras s'engourdissent. Mes orteils échappent à mes sens. Ici, c'est un duel permanent entre la nature omnipotente et le fou qui tente de la braver. Mais je continue. Car j'en ai la responsabilité, et aucune envie de mourir ici. J'ai encore à faire, plus loin. Si loin...

 

La troupe avance encore, lentement sous le froid des ponts acrobatiques et des cavernes mystérieuses de la Mer Gelée. Ce n'est qu'en la traversant que l'on comprend pourquoi l'endroit est connu dans les légendes comme une frontière de la réalité. Défiant les gouffres blancs, des arches de glaces s'élancent, sculptées par les vents mortels qui sifflent et hurlent en passant dans le labyrinthe que forment ces abysses semblant flotter sur le vide. Des grottes scintillantes s'ouvrent partout, promettant milles beautés et milles pièges, là où failles et patinoires géantes règnent. La vie a suspendu son cours ici, laissant à la nature libre jeu à toutes ses extravagances. Un faux pas signifie la mort. Mais quelle importance? La mort en a-t-elle dans un lieu où même la vie ne signifie rien? Mourir ici, c'est simplement être effacé, comme si la blancheur et la beauté infinie vous gardaient le souvenir que l'on avait de vous prisonnier à jamais.

 

Percevrais-je le grandiose de cet endroit si le froid ne me torturait pas tant? Je ne sais pas. Je me souviens avoir été ébahi, en entrant ici, par toutes ces acrobaties naturelles. Je crois que c'est encore plus effarant ici, mais je ne peux plus y faire attention. Seule la souffrance de mon corps, et le chemin incertain que nous donne notre guide, à maintenant de l'importance. Tant que je souffre, c'est que je vis...

 

Le guide s'arrête. Nous sommes à la sortie d'une caverne. Devant nous se projette une fine passerelle de glace, infime lien dans la toile arachnéenne que contient le gouffre qu'elle surplombe. Derrière moi, un homme s'appuie contre la paroi.

 

Nous passons un par un. Le guide nous donne des conseils après avoir fait un aller-retour pour vérifier la solidité du pont. Je ne comprends pas. C'est mon tour. Je me concentre sur mes mouvements engourdis. Chaque pas est à la merci du vertige qui nous nargue. J'arrive à la moitié du filament gelé. Un vide blanc s'ouvre sous moi. Je titube. J'entends des cris. Puis je fais un pas. Encore un.

 

Je suis au bout du pont. La paroi présente un surplomb sur lequel je peux m'engager. Je suis trop fatigué pour être joyeux. Le guide nous a intimé de continuer vers la prochaine caverne, sous peine de mourir gelés par le vent qui nous hurle notre mort. J'ai l'impression qu'il me parle, qu'il me reproche d'être venu ici. Je dérape, et je me relève difficilement sous ses moqueries venimeuses. J'entre dans la caverne, en essayant de lui échapper. Il reste au dehors à m'insulter, incapable de pénétrer ici. J'ai si froid...

 

Dehors, un homme tombe sous les hurlements de ses compagnons, cris subitement réveillés dans la torpeur qui les précédait. Je ne ressens rien. Qui était-il? Je n'en sais rien. Je ne peux plus ressentir de chagrin, seulement un vague regret pour le courage inutile qui l'aura amené ici. Des visages apparaissent, fermés. Le guide lui-même semble au bout de ses capacités. Quand ce cauchemar cessera-t-il?

 

Une immense grotte s'ouvre devant nous. Des stalactites se confondent dans les piliers qui soutiennent le plafond, et des stalagmites strient le sol. La beauté de l'endroit, dans ses lumières tamisées et focalisées, réveille mon esprit. Le vent ne souffle pas, ici. A-t-on enfin atteint un sanctuaire au milieu de deux enfers? Un homme s'affale lourdement contre un pilier, semblant avoir fait le même constat.

Une lance froide chute, trait de lumière, et tout d'un coup le pilier se couvre de roses carmin. La singulière beauté de leurs formes colorées dans cet univers d'ombres blanches contraste avec l'horreur de la scène. La glace s'imbibe de cette chaleur. Nous devons continuer.

 

 

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L’Œuvre

 

L’Œuvre. Celle qui vous marque, qui vous prend aux tripes, qui vous percute au fond de l’âme. Celle qui vous fait éclater, et qui vous laisse haletant, sans souffle, démuni. Celle qui vous détruit, qui remet en question tout votre être. Celle qui vous définira pour le restant de votre vie.

 

 

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Epopée

 

        Elle marque l’arqueciel

Tandis qu’une brumécume en armée

Envahit un château inondé d’air

Sous la lueur d’un doryphare

Perdu sur l’amer

Le héraut s’échoit sur la marérage

De lais en faranbole de lumière

Et la poussière d’hiver rugit à l’encontre

D’une mer de vague-à-l’âme

Il vient alors en éclats d’épée

La revoir, le Héros de l’antemps

Sa Dame cathédrale dansefigurée

Sous une chambre d’anticiel

Et la montagne s’entrefile

D’une même longueur d’âme

 

Le cristal est aussitôt brisé

D’avoir contrevibré de tant

D’ondes en sentiments échangés

Ah ! Tragédie minérale !

Il s’enfuit, poursuivi par la bataille larmée

Des éléments décédés

L’ensemble folencensé

Trouva là sa mirépopée

Pluie, Glace, Feu, Sang

De plume, d’amant, de chair, d’argent

L’accompagnèrent dans sa fuitetemps

A l’aube acerbée

Son souverire

Perdu dans la toile d’araimée

Arrachait alors un rictus automnal

A l’âme tortuliée

 

        Sangeance, sangeance !

Réclame le cristal en cœur brisé !

Et ils s’en retournent vers le passé trépassé

Arrachent à leur cause des alliés nés ignorants

Et forts de leur cinq armarées alitérées

Tirent leur haine, comme une épée criblée en

L’Arcleciel possédé

Et la Pluie droite au combat

Tomba en myrtiade étoilée

Le Feu et la Glace, vaincues de trop d’ordeuil

Et trahis par, venu le dernier

A qui le Héros fit payer d’éfiel

Le prix du Sang

 

        Désespéré, il courut éperclu

Au pied du tombeau minéral brisé

Et, encerclé par la marécume

Mourut dans sa cathérâle, à ses côtés

Et ils se retrouvèrent, enfin.

 

 

Vous vous dites sans doute que ça n’a aucun sens.

Eh bien, placez-vous dans votre imagination, vous fabriquerez le vôtre bien assez vite…

 

 

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Poème tout bête pour un sourire hanteur

 

Un sourire

S’esquisse

Mesquin, taquin

Sur ta bouche

S’esbroufe

Et tes yeux lui répondent

Complices

 

 

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Petit accès de mélancolie

 

C’est curieux, ces petits accès de mélancolie. Passage à vide, l’espace d’un soir. On vit et pourtant rien n’a d’attrait. On pense et pourtant rien n’est concret. Sans but, sans idée, sans raison, l’espace d’un soir, d’une nuit, on broie non pas du noir, mais le gris de la vie, et on s’ennuie. Le cœur se gonfle légèrement, sans explication, la poitrine se pince, une légère tension, on se sent triste, étrangement. Mais comme on ne trouve pas de raisons à cette sensation, diffuse sans confusion, on continue son train-train, son quotidien, sans plus lui trouver d’intérêt. On trompe son ennui, sans succès. Le monde est fade et doux. On est tout entiers à notre mélancolie. Sans cause, en vie, avec mélancolie.

 

Et le lendemain, le monde est plein d’entrain. A nouveau.

 

 

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Normes atisées

 

L'autre jour je me rendais

A la mairie remplir des papiers

« Monsieur, bonjour »

M’a-t-on dit d’une voix d’imprimante

« Enchanté », répondis-je, en attente

A quoi on me dit que cette réponse

Répondait bien aux normes

Et on me laissa passer

Dans un silence morne

« Je viens donner une photo d’identité

Afin de refaire mes papiers »

« Enfin monsieur, regardez-vous

Votre coiffure est-elle autorisée ?

Et la moustache, ce n’est pas de notre souhait

Enfin voyons, ce sourire est déplacé

En somme

Votre photo vous représente par trop

Veuillez ne plus arborer

Que gueule inexpressive et costume bien pensé »

En voyant mon désarroi on m’offrit

Cependant de remplir un dossier

« Monsieur, nous en sommes désolés

Mais votre stylo n’est pas habilité

Son bleu n’est pas assez corsé

Et trop fanfaron pour nos papiers

Veuillez dès maintenant utiliser

Celui que nous vous avons présenté

Merci de bien vous appliquer

Toute bavure est sanctionnée

Voyez-vous, ce  « i » est bien trop épais

Et cette signature pas assez élaborée »

D’agacement je me mis à jurer

Mais « merde » n’était pas un mot

Exigé dans un amas de papier

« Préférez zut, c’est plus exquis

Pour nos formulaires si concis

Et avez-vous amené les autres papiers ?

Cette photocopie n’est pas autorisée

Regardez, ce mot n’a pas été souligné

Qui me dit que c’est bien votre identité

En dessous de dix preuves, notez

Que nous ne pouvons vous domicilier

Revenez mieux documenté

Ou nous pourrions vous inculper »

Ce après quoi je finis par m’éclipser

Avec la bienséance d’un préfet

Claquant la porte avec amabilité

Et rentrant chez moi calmement outragé

Un ami bureaucrate m’appela

« J’ai bien envie de dîner, pas toi ?

Je connais un resto franchement très chic

Où niveau normes, il n’y a aucun hic »

Acceptant l’invitation, je m’y rendis

Il m’attendait, bien en vue sur le parvis

« Mon ami, vous êtes pile à l’heure

Les normes veulent que d’avance

Vous ayez toujours un quart d’heure

Mais passons, mangeons »

Commandant un steak de bœuf

Il me fit l’éloge de sa légalité

« Regardez, son rouge est si bien présenté

Trop de sang, et la viande est gâchée

Quelle présence ai-je eu dans mes formulaires

De faire voter cette norme exemplaire ! »

Ce à quoi je lui répondis

Qu’aucun gourmet n’avait en goût

Exactement celui de ses amis

Mais seulement celui de ses bajoues

Le bureaucrate me regarda

Et me dit alors que jamais

Il ne s’y était vraiment intéressé

Et mangea sa viande autorisée.

Il m’entretient alors, confidentiel

Que l’habillement allait être régularisé, grâce au ciel

« Comment voulez-vous dans cette société

Que quelqu’un ne porte pas la livrée

C’est à ne plus savoir où donner de la tête

Quand dans les papiers qu’ils nous remettent

Chacun à son idée s’habille

De façon si extravagante, malhabile

Cela nous décontenance tellement

Quand une chose est présentée différemment »

Ce sur quoi je le laissai, exaspéré

Et chez un ami chanteur, je me suis dirigé

Et ce petit poème, je le lui ai montré

Et après l’avoir enregistré

Auprès d’un producteur nous l’avons présenté

Il nous a regardés, très gêné

« Désolés Messieurs, je ne puis l’accepter

Votre voix est très belle

Mais n’est pas adaptée

Vers soixante décibels

Elle doit toujours porter

Et bien sûr elle doit

Ne jamais accrocher

Le poème en lui-même

N’est pas très travaillé

Regardez cette abondance

De rimes faites en « é »

Au détriment de rimes

Plus élaborées

De plus vos vers, sans vous vexer

Ne sont pas égalisés

Voyez donc cette directive :

L’art doit être mesuré

Agréable à écouter

Sans ambages ou frivolités

Pile poil dix rimes différentes

Doivent être utilisées

En proportions égales, et sans ambiguïtés

Le rythme alexandrin

Est bien sûr préconisé

Alors seulement une chanson

Sera donc acceptée »

Ainsi se termine

Ce poème énervé

Et tout du moins je puis vous jurer

Que la fin n’est pas aux normes, merde !