Eden Pourprevoix

 

 

"Some Roses from Wonderland"

Come Alice come
Let's have some fun 
Take my hand, follow me,
We come back to the world

Smile Alice smile
Don't you feel glad ?
Now wonderland is away
Live your life as you like it

Look Alice look
And close that book
Dry your tears, stay with me
Why don't you look at me ?

Run Alice run
And move that gun
Oh please, please, move it
Turn all your grief to grit

Rest Alice rest
In your sleepy chest
On your grave I'll lay down
Some roses from Wonderland…

 

 

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Le sourire

 

C'est si simple un sourire, même le plus subtil

Un froissement de lèvres, quand bien même inutile

C'est si simple bordel, que le temps d'un instant

Laisse un air béat sur ta tronche d'ignorant

 

C'est un chauffe-le-cœur, remède de grand-mère

Contre chaque rancœur, et ce qui est amer

Un tison ravivé au creux de ton âme

Parfois même plus doux que la peau d'une femme

 

Mais tu ne comprends pas, tu arbores un faciès

Qui je l'avoue rappelle une paire de fesses

T'es idiot, t'y peux rien, et d'ailleurs moi non plus

 

Je tourne les talons, et après quelques pas,

Je stoppe mon élan, me retourne vers toi,

Et te laisse un sourire, sous mon air parvenu

 

 

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Le MacDo

 

Dehors c'est un défilé d'abrutis

Dedans c'est un abruti qui se défile

Je la hais, cette foule, cette file

Ces gens entre moi et mon MacFlurry

 

Ô toi, moutonnisme quand tu nous tiens

Tu nous fais faire des choses bien connes

Poireauter plusieurs heures pour un dessert pas sain

Que je hais le MacDo, piège à rat pour les hommes

 

 

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Vengeance

 

Qu'importe le regret, qu'importe le chagrin

Quand tombera sur moi le jugement divin

Je rirai de cela, je serai déjà loin

Parcourant les Enfers, mon trophée à la main

 

Quand s'unira mon ombre au sang mêlé de pluie,

Le sort qui m'incombe m'appellera à lui

M'acquittant de demain, je partirai sans gêne

Je lui tendrai la main, et je mourrai sereine

 

Mais si de vengeance mon cœur était privé,

Si d'honneur mon arrogance était privée,

Le portail des Enfers tremblerait de mes cris :

« Je reviendrai, et qu'importe le prix ».

 

 

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La pitié des Grands

 

Il résonne, il résonne, le cor des grands martyrs

Il désarme jusqu'au plus puissant des empires

Et au loin, dans la brume précédant l'aurore,

À tendre bien l'oreille, on peut l'entendre encore.

 

 

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Les Arlequins

 

Tomberont-ils un jour, ces masques de malheur ?

Ces immondes faces enlaidies de couleurs...

Et cette mécanique danse spasmodique

Déraillera-t-elle d'un bémol idyllique ?

 

 

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Mon alexandrin

 

J'aime l'alexandrin, et il me le rend bien.

J'ai des airs de Hugo, sous mon alexandrin.

C'est un beau trompe-l’œil, que mon alexandrin.

 

Car mon indigne argot aux senteurs d'arrière-train

Fait dérailler ma strophe, et mes alexandrins.

J'ai un plaisirs coupable, ce sont les mots coquins.

 

Ces bas mots vous étonnent, cela je le vois bien.

Mes amis, mille excuses, je n'y peux vraiment rien

Car mon alexandrin, c'est une question d'instinct.

 

Car mon encre et ma plume, dans cet alexandrin

Vous disent qui je suis, vous montrent le chemin

Vers mon âme et mon cœur, en quelques mots succincts.

 

J'aime l'alexandrin, et il me le rend bien.

J'ai des airs de Hugo, sous mon alexandrin.

C'est un beau trompe-l’œil, que mon alexandrin.

 

 

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Cascatelle

 

Ça fait « plic », ça fait « ploc »,

Hypnotique, sur le roc,

Ça résonne, like a clock.

Ça me berce, sweety rock.

 

Cascatelle, dans la nuit.

Qu'elle est belle, l'insomnie.

L'eau fait « plic », l'eau fait « ploc »

Ça résonne, like a clock.

 

Je m'endors, doucement,

Mû par l'eau, et le vent.

L'eau fait « plic », l'eau fait « ploc »

Ça me berce, sweety rock.

 

 

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L'Œuvre dare-dare

 

C'est à l'aurore, un beau matin,

Que j'ai compris un truc badin.

Je marchais sur la route léchée par les lueurs

D'un doux soleil qui me laissa d'un coup songeur.

 

Je m'arrêtai de suite au milieu des passants ;

Je fixai mon regard sur l'astre si ardent,

En m'imprégnant de cet instant

Tout feu tout flamme, tout éclatant.

 

J'ai sorti un carnet, qui traînait dans mes poches,

Et un vieux stylo bic, pour graver dans la roche

Cette étrange œuvre dare-dare

Cette impression, ce moment d'art

 

 

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Fantômes

 

Ces foutus oiseaux noirs, qui tout autour de moi

S'éparpillent, s'entrecroisent, parade disparate

Me cachant les visages, les rues et les endroits

Qu'autrefois j'ai connus dans ma vie d'automate

 

C'est drôle d'arpenter les chemins et bosquets

Fantômes d'une enfance aujourd'hui oublieuse.

Étais-je vraiment là ? Ou suis-je donc trompé

Par quelque odieux défaut de ma mémoire creuse ?

 

Je ne sais qui je fus, ni même qui je suis

J'ai en moi comme un vide, c'est celui d'un passé

Que pourtant j'ai vécu, j'en suis persuadé.

Je ne suis qu'un fantôme, qu'aucune ombre ne suit...

 

 

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L'escapade des légumes

 

C'est l'histoire d'un navet, et d'un oignon pas frais.

L'épopée commença, dans un lieu sombre et froid,

Que d'aucuns surnommaient... « Le Gouffre de la Mort »,

Bien qu'il s'agisse en fait ...d'un réfrigérateur.

 

Aucune échappatoire, pas la moindre sortie,

C'était une prison, où demeurait la nuit.

C'est alors qu'un navet, tout près du salami

Eu par trop d'impatience une idée de génie.

 

Il contacta l'oignon, un voisin d'étagère

Un expert en torture, un médaillé de guerre,

Et pensèrent ensemble à un plan d'évasion

En fixant les termes de leur ardue mission.

 

Ce fut deux jours plus tard qu'ils passèrent à l'acte.

Avec d'autres compères, tous liés par un pacte

Ail, choux et petits pois s'allièrent dans le sang

Attendant sans un bruit que vienne leur moment.

 

Et ce fut à neuf heures que leur vie se joua.

La porte du frigo s'ouvrit sur Le Géant

Sur lequel, d'un seul coup, l'oignon fou se jeta.

En faisant diversion, il put gagner du temps.

 

Assailli par l'oignon, qui visait ses deux yeux,

Aveuglé par ses larmes, Le Géant impuissant

Prit ses jambes à son cou, et dans le même temps,

Les légumes sortaient du frigo deux par deux.

 

 

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Mots cachés

 

J'ai d'eau et d'écueils les fleurs du souvenir

À pieds ou à cheval sur un principe ôté

Du roi dit semant songes et secrets

A tort et à travers, c'est l'inné.

 

 

Il y a dix mots cachés, les avez-vous trouvés ?

 

 

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Mots cachés 2

 

Ce matin breton dû aux gris ombrages

Que note Estelle sous les artistiques

Retombées hantées diluviennes, pratique

Elle conquiert l'abri du saule statique

 

Il y a douze mots cachés, les avez-vous trouvés ?

 

 

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Regards

 

J'ai froid. Je savais bien que j'aurais dû mettre des gants. Ça me rappelle ce que ma mère me répétait tout le temps l'hiver. « Si tu veux pas claquer des dents, t'as qu'à mettre tes gants ». Et là c'est clair que je claque des dents. Je crois que je vais rentrer. En plus j'ai mes cours à réviser. Je sais même pas pourquoi je suis venu là. C'est vrai ça, quel étudiant normal va aux jardins publics quand il fait moins deux dehors ? Il y a une petite vieille, là, sur le banc d'en face. Elle a l'air perdue dans ses pensées. J'aime bien les petites vieilles qu'on croise aux jardins publics. Ce sont elles à qui il en reste le moins, et pourtant elles prennent leur temps. Et merde, il commence à neiger. J'aurais vraiment dû prendre mes gants...

 

… Ah si tu voyais ça, mon Gaston... Il neige sur les jardins publics. Tu te souviens des jardins publics ? Moi je m'en souviens très bien, comme si c'était hier que nous nous promenions bras-dessus bras-dessous. Ce que nous étions beaux. J'ai l'impression d'y être. Mon vieux cœur s'emballe. Je nous vois traverser le sentier et nous étendre sur l'herbe grasse. Il neige de plus en plus... Je donnerais tout ce que j'ai pour une dernière petite promenade avec toi... Ah, mon Gaston, les gens ont bien changé, si tu savais. Les amoureux ne se promènent plus bras-dessus bras-dessous ! Tiens, il neige...

 

Quatorze heures quarante-huit. Je vais être en retard, putain ! Je lui avais bien dit, à ce con de Michel de pas l'avancer, la réunion ! Pour qui je vais passer, moi ? J'en ai ras-le-bol, ils se foutent vraiment de ma gueule dans cette boîte ! Et puis c'est pas comme si je... Merde, la vieille. Oui, bah oui je t'ai bousculée, me regarde pas comme ça, vieille conne ! Qu'est-ce que je rêverais d'être à la retraite, comme elle. Elle sait pas la chance qu'elle a ! Tiens, un joli p'tit cul droit devant ! Blonde, un mètre soixante-dix à peu près... Je dirais vingt-deux... Non, vingt-trois ans. Un vrai canon... Je l'amènerai bien dans mon pieu, celle-là ! Au pire, je passerai à Pigalle après le boulot...

 

Qu'est-ce qu'il a à me regarder comme ça, lui ? Oui, j'ai des fesses entre mon dos et mes cuisses, connard. Sérieusement, les mecs... Tous les mêmes... Enfin j'exagère. Ils sont pas tous des pervers dégueulasses en costard, comme lui. J'ai quand même eu de la chance de trouver Marc... Un peu dans la lune, mais craquant. Et attentionné. Mais tête en l'air. Je te parie qu'il a encore oublié ses gants avant de sortir... Oh tiens, pas mal, les bottines...

 

Pas mal, les bottines... Ah, je suis pas la seule à les avoir repérées. La petite jeune aussi à l'air d'aimer le daim. Elle a l'air mignonne, alors je fais comme si de rien était et je continue à marcher. Tiens, ça vibre dans ma poche. Un message de Gilles... « Je pars plus tôt, cet enfoiré de Michel a avancé la réunion. Je t'aime ». Ah, Gilles... Toujours à te tuer au travail, hein ? T'es vraiment un bon modèle pour les enfants. Un modèle de travail, d'amour, de fidélité... T'es vraiment l'homme parfait !

 

Ça caille. Ça caille même beaucoup. Camion de merde. Ils ont pas réparé le chauffage... Les mécanos, quelle bande de cons. Rah, ça m'énerve ! Je vais me fumer une clope, ça me passera l'envie d'écraser quelqu'un. Putain... Mais merde, il est où ce briquet ? Ah, trouvé... Tu te cachais par terre petit coquin ! Oulah... Merde, le volant ! Putain, putain, putain, putain... Non, non, non, bouge de là, la vieille !

 

 

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Regards 2

 

J'ai du mal à respirer. Tout mon corps me fait mal. J'ai peur. Je ne sais pas ce qu'il s'est passé. Je ne sens plus mes jambes. Il fait noir. Trop noir. J'ai mal. J'entends des voix. Loin, très loin de moi. Je crois que je suis allongé par terre. Ah, mon Gaston, je crois bien que mon heure aussi est venue. Ça y est, je vais te rejoindre. J'ai mal. Je crois que quelqu'un me parle. J'ai mal. Oui, oui, on s'adresse à moi : « Est-ce que vous...

 

… m'entendez ?! », je crie, totalement paniqué. Merde, c'est vraiment moi qui ai fait ça ? Pauvre petite vieille... Ah, elle ouvre les yeux ! Putain, j'ai vraiment cru que je l'avais tuée ! Elle me regarde fixement, et je crois qu'elle essaie de me dire quelque chose. Si, ses lèvres bougent, elle essaie de me parler. Je m'approche un peu d'elle, et j'écoute en tremblant ce qu'elle me chuchote : « Merci... ».

 

J'ai toujours ma main devant ma bouche. La vache ! Ça c'est passé en deux secondes, j'ai rien compris ! On aurait dit un film ; le camion l'a fauchée de plein fouet, la vieille ! C'est horrible... J'ai jamais vu ça, je commence vraiment à paniquer... Faut que j'appelle les pompiers. Et que j'envoie un message à Marc...

 

« Viens vite, à côté boutique fringues. Urgent. Accident. Camion. » Oulah. C'est quoi ce délire ? Pour qu'elle m'envoie un message comme ça, c'est qu'il y a vraiment un problème... Bon bah, du coup, je ressors hein... Je dévale les escaliers. Rah, ça caille... Merde, mes gants. Tant pis. Sans glisser, c'est mieux. Bon, la boutique est à deux cent mètres, ça devrait le faire. Tiens, une ambulance, ça doit être pour...

 

… un accident de camion, rue Legrand. D'après le témoin qui nous a appelés, y aurait juste une petite vieille de blessée. On y est presque, plus que deux rues. J'ai les mains moites. C'est mon premier accident de la route depuis que je suis ambulancier. On arrive. Allez, vite, vite, vite ! Je prends le masque, la bouteille et le brancard, et je fonce. La petite vieille est salement amochée. Je regarde l'air déconfit du gros bonhomme qui se trouve à côté d'elle. Oh non... Je crois qu'on est arrivé...

 

… trop tard. Je leur fait « non » de la tête pour leur faire comprendre. La vieille est morte. C'est moi qui ai fait ça. C'est moi... J'ai tué quelqu'un... J'ai tué... Merde... Je retourne lentement vers mon camion pendant que les deux zigotos en blouse s'affairent à vérifier si c'est vraiment fini pour elle. J'ouvre la boîte à gant, et je sors mon flingue de son étui. C'est drôle, j'aurais jamais pensé l'utiliser pour ça... Je le charge, le pointe vers ma tempe, et j'appuie sur la...

 

 

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Mots cachés 3

 

Croiser l'épée d'antan, c'est par hantise anière,

Car en ce con d'air niais, rance et rebelle vain

Ta condescendance trahira tes deux mains,

Et tu verras ton corps pourfendu sans manière.

 

Il y a dix-sept mots cachés, les avez-vous trouvés ?

 

 

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Réflexion atemporelle

- " Quand on parle de futur, l'emploi du conditionnel est impératif.

- Par peur de sombrer dans l'imparfait ?

- Non, pour vivre au présent.

- Ton crédo est vieillot, tu penses au passé. Toi qui parles de vivre au présent, tu ne sais pas vivre en ton temps."

 

 

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Écriture automatique 1 - Dieu est soit une passoire, soit un cochon.

 

J'ai cru pendant longtemps que les cochons étaient apparentés à Dieu, alors qu'en fait, ce ne sont pas des cochons, mais des passoires.

Ce n'est qu'une excuse linguistique pour rabaisser l’Éternel à un simple instrument culinaire rouillé, troué, et gisant au fond d'un placard en compagnie de ses congénères de métal ou de porcelaine.

Si, après ces mots, le Grand Monsieur ne me foudroie pas d'un regard paternel enragé, je mets ma main au feu qu'il est bel et bien une passoire. Si, cependant, je finis foudroyé, nous aurons la preuve gisante qu'il ne s'agira pas d'une passoire, mais d'un cochon.

 

 

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Ombre parmi les ombres

 

Arrêter de bouger.

Ne pas trembler.

Plaquer sa respiration sur le va-et-vient du vent.

 

Rester tapi dans l'ombre

À s'y confondre.

Être nuit noire et incertitude d'un mouvement.

 

S'entourer de silence

Danser vengeance

Ne faire qu'un avec la terre et se libérer du temps.

 

 

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Prismerose – Prologue

 

 

Cross observa la ruelle depuis sa cachette.

Toujours rien, hormis la pluie battante qui disparaissait dans les caniveaux.

Déjà une heure qu'il attendait, recroquevillé dans l'obscurité et trempé jusqu'aux os, aussi silencieux et invisible qu'une ombre dans la nuit.

Pas un signe de vie aux alentours, pourtant il ne se résigna pas à bouger, ni même à baisser sa garde.

 

Quelqu'un le suivait, il en était persuadé. Quelqu'un le suivait, ou plutôt l'avait pris en chasse.

On le traquait.

 

Et comme il le faisait à chaque fois qu'il se savait traqué, Cross attendait. Ombre parmi les ombres, il se cachait patiemment, jusqu'à ce que son traqueur le pense endormi, ou affaibli par le froid.

 

Ce que le traqueur ne savait pas, c'était que Cross ne trouvait que très rarement le sommeil.

Ce que le traqueur ne savait pas, c'était que Cross avait grandi dans le froid, que celui-ci ne l'affectait plus depuis bien longtemps.

 

À chaque fois, le scénario était le même.

 

Du coin de l’œil, il aperçut la forme d'un visage à l'entrée sud de la ruelle, qui s'évanouit comme elle était apparue.

 

Cross esquissa un sourire. Première erreur.

 

Près d'un quart d'heure plus tard, une botte se dessina à l'orée de la ruelle, avec un appui qui laissait dire qu'elle était prête à s'élancer.

 

Cross jubilait intérieurement. Seconde erreur.

 

En l'espace d'une seconde, le traqueur passa à l'assaut. Il se jeta dans la ruelle, épée à la main, en direction de la planque de sa cible, un vulgaire amoncellement de cageots en bois.

Lorsqu'il abattit son arme, il s'attendait à toucher la tête du premier coup.

Le bois explosa au contact du métal, mais aucune tête ne fut tranchée.

Abasourdi, le traqueur resta un instant figé, incrédule.

 

Juste derrière lui, Cross ne souriait plus. Troisième erreur.

 

Il abattit son coude sur la nuque du traqueur avec une telle puissance que celui-ci s'effondra, mort sur le coup.

 

Un léger filet de sang se mêla à la pluie, et rejoignit les caniveaux en glissant lentement entre les dalles pavées.

 

Après avoir fait l'inventaire des maigres possessions du mercenaire et gardé pour lui le peu qui lui serait utile, Cross abandonna le corps dans la ruelle et se mit à chercher un endroit où passer la nuit.

Il s'établit sur le toit d'un immeuble décrépi et quasiment en ruine, où deux colonnes qui s'étaient effondrées l'une sur l'autre formaient une alcôve à l'intérieur de laquelle il pourrait s'abriter de la pluie.

 

Lorsqu'il fut installé dans ce misérable confort, il chercha le sommeil qui, comme à son habitude, le fit languir pendant près de deux heures.

 

Au travers de la pluie qui gagnait encore en force, le plus attentif des spectateurs n'aurait sûrement pas été à même d'apercevoir les quelques larmes de rage qui naissaient sur sa peau en même temps que le sommeil s'emparait de lui.

 

Ce soir-là, Cross Prismerose avait douze ans.

 

 

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Le Débat

 

Aujourd'hui à l'école, nous avons débattu

Sur une question colle, à l'échelle actuelle.

Parmi tous les mots dits, et je me le rappelle,

L'un revint plusieurs fois, ce fut le mot vertu.

 

« Mais pour l'amour de Dieu, pourquoi auraient-ils droit

En Sodome et Gomorrhe de ce monde de foi,

D'outrepasser leurs droits, se prenant le derrière,

Ces animaux sauvages, ces pédés de carrière ? »

 

J'aurais tout entendu, j'aurais tout accepté,

Pour peu que l'un d'entre eux ait voulu m'expliquer

La raison de sa haine envers ces créatures,

Ces êtres orgiaques, aux instincts de luxure.

 

Et pourtant, en une heure, le débat était clos,

D'un temps bien précieux, et d'un sujet si fertile,

N'a cependant germé qu'un refrain très futile.

Chacun définissait son idée des homos.

 

 

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Martyr mon cul

 

Tu t'y complais, tu t'y complais, tans ta conn'rie ?

À me juger, à me r'garder, comme un O.V.N.I.

Je vais te dire, je vais te dire, petite merde

Les gens comme toi, les cons comme toi, je les emmerde.

 

Tous les matins, et tous les soirs, tu prends plaisir

À persister, à persister, à m'insulter

Tu crois peut-être, tu crois peut-être, con que tu es,

Que ça fait d'moi, que ça fait d'moi, ton bon martyr ?

 

Martyr mon cul, martyr mon cul, dirait Zazie,

Ton amour propre, ton amour propre, et ton ego

Prenn'plus de place, prenn'plus de place, que ta conn'rie,

C'est pas peu dire, c'est pas peu dire, petit fayot.

 

 

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À cœur fané

 

À toi, mon ennemie,

À toi, qui me souris,

Pourquoi m'interromps-tu ?

Pourquoi me combats-tu ?

 

Je n'ai rien demandé,

Je me suis laissé faire,

Et tu t'es approchée

Toute en rires, en manières.

 

Ne me tends pas ta main,

Passe donc ton chemin ;

J'ai déjà trop souffert.

D'autres toi sont derrière.

 

Le monde qui m'attend

Vaut beaucoup plus que toi ;

Tu me ferais mendiant,

Demain me fera roi.

 

 

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Cinq ans

 

Avec toi j'ai cinq ans,

Et tout ce que je fais

Je le fais en riant

 

Avec toi j'ai dix ans,

Et je te prends les mains

Pour faire comme un grand

 

Avec toi j'ai vingt ans

Et je veux t'embrasser

Comme un adolescent

 

Avec toi j'ai cent ans

Et je te dis je t'aime

Comme font les enfants